Les livreurs et les chauffeurs de VTC devront encore patienter avant d'obtenir un meilleur statut, et il faudra surtout convaincre les ministres de plusieurs pays, dont la France et l'Allemagne.
L'Union européenne ne cesse de prendre des mesures pour réguler les entreprises de la tech. Parmi ses cibles actuelles, on trouve des sociétés comme Uber et Deliveroo, qui ont massivement recours à des travailleurs indépendants. En effet, ces derniers ne bénéficient pas du statut de salarié auprÚs de ces plateformes, alors que le travail qu'ils effectuent pourrait tout à fait le justifier, selon certains.
Cependant, aprÚs deux ans de discussions, les responsables politiques européens ne sont toujours pas parvenus à se mettre d'accord sur une réglementation. Ce qui n'est pas le meilleur des signaux pour les livreurs et les VTC.
La révolte des ministres du Travail
Le 12 décembre, les différentes institutions de l'UE ont fait un pas en avant concernant une directive visant à renforcer les droits des millions de livreurs et de chauffeurs travaillant pour des entreprises telles qu'Uber. Le projet doit permettre à prÚs de 28 millions de personnes d'obtenir, si elles le souhaitent, un statut proche de celui des salariés, en répondant aux critÚres fixés par deux indicateurs. Définis par l'exécutif européen, ceux-ci sont actuellement au nombre de cinq et doivent aider à présumer qu'un travailleur est sous la subordination d'une plateforme.
Or, vendredi dernier, le Conseil de l'Union europĂ©enne a fait volte-face. RĂ©unissant les ministres du Travail des 27 Ătats membres, il a dĂ©cidĂ© de ne pas se prononcer sur la directive. Une dizaine de gouvernements (France, Italie, HongrieâŠ) avaient, en effet, fait connaĂźtre leur dĂ©saccord, et l'Allemagne envisageait mĂȘme de s'abstenir. Or, pour ĂȘtre validĂ©, un tel projet doit obtenir une majoritĂ© qualifiĂ©e de 55â% des pays de l'UE, qui doivent reprĂ©senter 65â% de sa population. L'issue du vote Ă©tant trĂšs claire, il n'a pas eu lieu.
Alors, pourquoi cette rĂ©glementation ne convainc-t-elle pas certains ? Le ministre français du Travail, Olivier Dussopt, a Ă©tĂ© interrogĂ© par le SĂ©nat : « cette directive est trĂšs diffĂ©rente du projet du Conseil adoptĂ© le 12 juin dernier », explique-t-il. « Quand vous passez de trois critĂšres sur sept Ă deux critĂšres sur cinq, quand vous allez vers une directive qui permettrait des requalifications massives, y compris de travailleurs qui tiennent Ă leur statut dâindĂ©pendants, nous ne pouvons pas la soutenir. »
Un blocage qui arrive au mauvais moment ?
Cette dĂ©cision ne plaĂźt pas Ă tout le monde, tant Ă l'opposition qu'aux travailleurs. « Notre gouvernement et les lobbies ont soutenu Uber et compagnie, et fait pression pour que lâaccord ne passe pas », soutient LeĂŻla Chaibi, eurodĂ©putĂ©e du groupe de la gauche au Parlement europĂ©en. Alors que la Belgique, moins favorable au projet que l'Espagne, prend la prĂ©sidence tournante de l'UE, et que les Ă©lections europĂ©ennes approchent, l'Ă©lue française craint qu'une version moins contraignante finisse par ĂȘtre acceptĂ©e. Selon elle, cela serait contre-productif pour les travailleurs.
De leur cĂŽtĂ©, ceux-ci n'ont pas l'intention de cĂ©der. « En janvier, nous organiserons des manifestations Ă lâĂ©chelle europĂ©enne », annonce Brahim Ben Ali, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du collectif INV VTC. « Je vais solliciter un rendez-vous avec le ministre du Travail allemand, qui peut avoir un rĂŽle dĂ©cisif, et le ministre belge ». De toute Ă©vidence, l'augmentation du salaire minimum promise par Uber France n'a pas rĂ©ussi Ă apaiser la gronde, qui a dĂ©jĂ provoquĂ© des manifestations dĂšs le week-end dernier.
Source : Le Monde