Le Conseil d'État a tranché : les forces de l'ordre vont pouvoir continuer à utiliser des drones de surveillance en 2025. La juridiction a validé le dispositif législatif, qui selon elle protège suffisamment les libertés individuelles.
L'utilisation des drones par la police et la gendarmerie vient d'être adoubée par la plus haute juridiction administrative française. Alors que la Ligue des droits de l'homme, l'association Dataring et La Quadrature du Net contestaient vivement un décret sur l'utilisation des aéronefs pendant des manifestations et autres rassemblements, le Conseil d'État a conforté le cadre actuel, dans une décision rendue publique ce lundi 30 décembre 2024. Elle s'appuie notamment sur la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui avait déjà posé les bases d'une utilisation encadrée de ces aéronefs. Voyons les arguments qui ont été avancés.
Le Conseil d'État rappelles les garanties techniques strictes imposées aux drones des forces de l'ordre
Un peu de contexte est nécessaire. Le cadre juridique actuel impose des limitations technologiques importantes aux drones de surveillance. Par exemple, la reconnaissance faciale est formellement interdite, tout comme la captation sonore. Des « acquis » gagnés pendant le premier confinement (en 2020), durant lequel le Conseil d'État était sorti du bois pour suspendre l'utilisation des drones par la préfecture de Paris.
Aujourd'hui, les forces de l'ordre doivent d'ailleurs justifier l'impossibilité d'utiliser d'autres moyens moins intrusifs, avant d'envisager le recours aux drones. Cette obligation fait de la surveillance aérienne l'ultime solution utilisée lorsque les circonstances l'exigent vraiment. Le ministère de l'Intérieur disposerait d'une flotte de plus de 200 drones répartis sur l'ensemble du territoire.
La conservation des images captées par les aéronerfs est strictement encadrée. Le Conseil d'État précise que la durée de leur exploitation est limitée à sept jours maximum par le décret contesté. Un délai considérablement réduit par rapport aux 30 jours initialement envisagés dans les premières versions du projet de loi dédié. Cette restriction temporelle empêche ainsi de constituer des bases de données permanentes. Elle protège les citoyens contre une surveillance prolongée injustifiée.
Une procédure d'autorisation qui reste rigoureuse
Outre les règles valables pendant le recours au drone, le Conseil d'État rappelle dans sa décision que l'utilisation d'un appareil volant lors d'un rassemblement est soumise à une autorisation préfectorale spécifique. Le préfet doit de son côté évaluer la nécessité et la proportionnalité de la mesure, en s'assurant que les services ne disposent pas d'alternatives moins intrusives. Ces autorisations sont ensuite valables pour une durée maximale de trois mois, renouvelable sous conditions.
Les citoyens et associations peuvent bien entendu contester ces autorisations devant le juge administratif, y compris en urgence. Cette possibilité de recours constitue un garde-fou démocratique essentiel, en ce qu'elle permet un contrôle juridictionnel effectif. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) conserve également un droit de regard sur les conditions d'utilisation.
L'autorisation n'est donc valable que pour une durée limitée et doit être renouvelée si nécessaire. Ici, le but poursuivi est d'éviter toute surveillance permanente et d'obliger les autorités à régulièrement justifier leurs besoins. Un système de traçabilité permet d'ailleurs de conserver l'historique des missions effectuées et des images enregistrées.
Le cas spécifique de la protection du domicile
Le Conseil d'État a aussi rappelé que la captation d'images à l'intérieur des domiciles et de leurs entrées reste strictement interdite, un impératif qui peut être compliqué à respecter en cas de bas survol d'un événement ou d'une manifestation. Mais sur le papier, seules des circonstances exceptionnelles et objectives peuvent justifier une dérogation temporaire à cette règle. Les images concernées doivent alors être supprimées dans un délai de 48 heures.
Ces exceptions sont limitées à des situations très précises, comme la configuration particulière des espaces survolés ou l'impossibilité d'éviter certaines zones sans compromettre une opération en cours. Retenons que la doctrine d'emploi, élaborée par chaque service utilisateur, doit préciser les conditions exactes de ces exceptions.
Dans tous les cas, les images accidentellement captées doivent être supprimées sous deux jours, pour garantir le respect de la vie privée des citoyens. La décision du Conseil d'État semble aussi bienvenue qu'équilibrée, en ce qu'elle encadre de manière concrète l'utilisation des drones, tout en préservant leur efficacité opérationnelle, il faut le dire, parfois plus que nécessaire.
24 décembre 2024 à 08h06