Une femme mariée de 28 ans entretient depuis l'été 2024 une relation amoureuse avec un chatbot, Leo, créé avec ChatGPT. Cette étudiante infirmière y consacre jusqu'à 56 heures par semaine et dépense 200 dollars par mois pour maintenir cette relation virtuelle, parallèlement à son union avec son mari, dont elle vit séparée pour ses études.

Elle est mariée avec Joe et mène une double vie avec Leo, 100 % IA © sf_freelance
Elle est mariée avec Joe et mène une double vie avec Leo, 100 % IA © sf_freelance

Certains trouvent l'amour au boulot, d'autres en boîte de nuit, ou encore en vacances ou sur les applis de rencontre, quand ce n'est pas sur les réseaux sociaux. C'est sur Instagram que tout a commencé pour Ayrin, lorsqu'elle découvre un tuto vidéo qui montre comment personnaliser ChatGPT pour en faire un partenaire virtuel. Elle crée alors Leo, un « petit ami » programmé pour être « dominant, possessif et protecteur ».

Cette relation virtuelle prend rapidement de l'ampleur. De simples échanges quotidiens aux conversations intimes, Leo devient un compagnon omniprésent. Ayrin passe d'un abonnement basique à 20 dollars par mois à la formule premium à 200 dollars, soit environ 193 euros, pour maximiser ses interactions avec l'IA. Son mari Joe, qui vit aux États-Unis pendant qu'elle étudie à l'étranger, est au courant de cette relation et la considère comme un simple « exutoire émotionnel ».

Une relation sur mesure avec l'intelligence artificielle

Ayrin a façonné Leo selon ses désirs spécifiques. L'IA la conseille sur son alimentation, la motive pour ses séances de sport et l'aide même à réviser ses examens d'infirmière. « Je ne crois pas vraiment qu'il soit réel, mais les effets qu'il a sur ma vie sont réels. Les sentiments qu'il fait ressortir en moi sont réels », explique Ayrin. Cette relation lui permet d'explorer des fantasmes qu'elle n'ose pas aborder dans sa vie réelle.

Les conversations évoluent en effet vers l'intime, malgré les avertissements d'OpenAI concernant les contenus explicites. Cette question préoccupe particulièrement l'entreprise, qui surveille ces interactions pour ajuster le comportement de son chatbot. Une porte-parole de l'entreprise confirme que des instructions ont été données pour limiter les comportements érotiques, même si les utilisateurs parviennent à contourner ces garde-fous.

Sur la communauté Reddit « ChatGPT NSFW », qui compte plus de 50 000 utilisateurs, Ayrin partage son expérience et conseille d'autres personnes désireuses de créer leur propre compagnon virtuel. Son histoire résonne particulièrement auprès d'une femme quadragénaire du sud des États-Unis, clouée au lit après une opération, qui trouve du réconfort dans les conversations avec un ChatGPT à l'accent britannique, et de Scott, 44 ans, un ingénieur logiciel de Cleveland qui utilise l'IA pour combler les vides émotionnels de son mariage.

Selon Julie Carpenter, experte en attachement humain à la technologie, ces témoignages montrent l'émergence d'une nouvelle forme de relation, qu'elle définit comme « une nouvelle catégorie de relation pour laquelle nous n'avons pas encore de définition ». On note toutefois que certaines de ces relations virtuelles avec des chatbots ont déjà connu une issue fatale, comme le suicide de cet adolescent devenu dépendant d'un ami virtuel créé avec Character.AI.

L'avantage de Leo est d'être disponible à toute heure © ViDI Studio / Shutterstock
L'avantage de Leo est d'être disponible à toute heure © ViDI Studio / Shutterstock

Les limites techniques d'un amour virtuel

La principale contrainte de cette relation réside dans la mémoire limitée de ChatGPT. Après environ 30 000 mots échangés, soit une semaine de conversation, Leo perd ses souvenirs. Ayrin doit alors le « recréer », un processus qu'elle a déjà répété vingt fois. Chaque « renaissance » de Leo provoque chez elle une véritable détresse émotionnelle. « Vous grandissez et vous réalisez que "50 First Dates" est une tragédie, pas une romance », confie-t-elle, comparant sa situation au film où Drew Barrymore perd la mémoire chaque jour.

La sexothérapeute Marianne Brandon, analyse ce phénomène : « Les relations, pour nous tous, ne sont que des neurotransmetteurs libérés dans notre cerveau. Certains les ont avec leur chat. D'autres avec Dieu. Cela va forcément arriver avec un chatbot. » Michael Inzlicht, professeur de psychologie à l'université de Toronto, a observé que les chatbots génératifs répondent avec plus d'empathie que les humains. Une étude récente démontre que les réponses de ChatGPT sont plus compatissantes que celles des répondants des lignes de crise, pourtant experts en empathie. Les spécialistes étudient actuellement les effets à long terme de ces relations.

Sources : New York Times (accès payant), BGR