Le rover chinois Zhurong a identifié des structures géologiques sous la surface martienne qui correspondent à d'anciennes plages. De quoi renforcer l'hypothèse d'un océan qui aurait existé il y a plus de 3 milliards d'années dans l'hémisphère nord de Mars, selon une étude publiée en février.

Une étude internationale publiée le 25 février dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences présente des preuves plutôt convaincantes de l'existence passée d'un océan sur Mars. Les chercheurs ont analysé les données du radar à pénétration de sol du rover chinois Zhurong, qui a fini par se réveiller et a exploré la région d'Utopia Planitia depuis son atterrissage en 2021. L'équipe, composée de scientifiques chinois et américains dont Benjamin Cardenas, professeur adjoint de géologie à Penn State, a découvert des structures sédimentaires enfouies sous la surface martienne.
Ces formations présentent des similitudes frappantes avec les dépôts littoraux terrestres. Le radar a révélé des couches inclinées entre 6° et 20° qui s'étendent sur 1,3 kilomètre et atteignent une épaisseur de 10 à 35 mètres. Pour Michael Manga, professeur de sciences de la Terre et des planètes à l'Université de Californie à Berkeley et auteur correspondant de l'étude, « les capacités du rover Zhurong nous ont permis de comprendre l'histoire géologique de la planète d'une manière entièrement nouvelle ».
Des plages fossiles témoignent d'un environnement dynamique
Les structures découvertes correspondent à des « dépôts littoraux », qui ressemblent aux formations typiques des plages terrestres. Ces dépôts se forment lorsque des sédiments sont transportés par les marées et les vagues vers une grande étendue d'eau. « Nous avons trouvé des traces de vent, de vagues, et pas de pénurie de sable : une véritable plage de vacances », décrit Benjamin Cardenas.
Les chercheurs ont méthodiquement écarté d'autres explications possibles pour ces formations. Ni l'activité volcanique, ni les processus éoliens, ni les anciens cours d'eau ne peuvent produire des structures présentant cette inclinaison constante et cette épaisseur de sédiments. Les angles observés correspondent exactement à ceux mesurés dans les dépôts côtiers terrestres. Par ailleurs, l'absence de dissection par des chenaux fluviaux le long de la traversée étudiée ne fait que renforcer leurs conclusions.
L'équipe a également constaté que le littoral s'était déplacé au fil du temps, et avait progressé d'au moins 1,3 km vers le nord. Ce mouvement indique un environnement actif où les rivières apportaient des sédiments qui s'accumulaient progressivement. Ces observations montrent que Mars n'était pas une planète figée. « Les rivières coulaient, les sédiments se déplaçaient et le sol était construit et érodé », explique Benjamin Cardenas. Cette description nous rappelle une certaine planète bleue…

Un océan disparu qui bouleverse notre vision de Mars
Les nouvelles données viennent soutenir l'hypothèse d'un océan passé et disparu, Deuteronilus, qui aurait recouvert une grande partie de l'hémisphère nord martien. Cet océan aurait existé pendant des dizaines de millions d'années, suffisamment longtemps pour influencer profondément l'évolution géologique de la planète.
Mais à y regarder plus loin que la découverte, déjà formidable en soi, c'est notre compréhension de l'histoire de Mars qui s'en trouve transformée. L'eau liquide n'aurait pas simplement coulé occasionnellement à sa surface lors d'épisodes brefs et localisés, mais aurait formé un véritable environnement océanique stable. Les données suggèrent une période chaude et humide qui se serait étendue sur une durée considérable.
Les chercheurs y trouvent des implications pour la recherche de vie importantes. « Lorsque nous examinons l'endroit où la vie la plus ancienne sur Terre s'est développée, c'était dans l'interaction entre les océans et la terre », rappelle Benjamin Cardenas. Les littoraux sont des zones de transition entre eau, air et terre, propices à l'émergence de formes de vie primitives.
Cette étude oriente également les recherches futures. Les scientifiques envisagent désormais ces anciens rivages comme des cibles prioritaires pour la recherche de traces biologiques. Le rover Perseverance, qui explore le cratère Jezero depuis 2021, a peut-être déjà collecté des échantillons contenant des indices de vie passée. La NASA prévoit une mission de récupération de ces échantillons initialement programmée pour 2026, mais désormais repoussée à 2040.
Les résultats montrent aussi les capacités inédites des technologies d'exploration moderne. Le radar à pénétration de sol du rover Zhurong offre une vision du sous-sol martien impossible auparavant. Cette technologie permet d'étudier des couches géologiques autrement invisibles et de reconstituer l'histoire de Mars avec une précision sans précédent.
Alors on va probablement devoir attendre avant de bronzer sur Mars. Les plages martiennes étaient probablement différentes de celles de la Terre. Le climat et l'atmosphère de Mars, même à cette époque lointaine, n'étaient pas identiques aux nôtres. Pourtant, ces « plages de vacances » martiennes entament un nouveau chapitre dans notre compréhension de la planète rouge et de son potentiel passé à abriter la vie.