La justice française vient de démanteler un réseau criminel sophistiqué, baptisé « Zulon », qui aurait détourné jusqu'à 30 millions d'euros en exploitant les vulnérabilités des systèmes de retour de géants de l'e-commerce.

Amazon fait partie des entreprises abusées par le collectif Zulon © Hadrian / Shutterstock.com
Amazon fait partie des entreprises abusées par le collectif Zulon © Hadrian / Shutterstock.com

C'est un ingénieux système d'arnaque en ligne nommé « Zulon » qui vient d'être démantelé par la justice française. Ce réseau tentaculaire, qui opérait depuis Telegram sous le nom Refund France, proposait des services de remboursement frauduleux ciblant des plateformes comme Amazon, Ikea ou Auchan. Le fondateur présumé, un jeune Français basé à Dubaï, a été arrêté mi-janvier, suivi de cinq autres membres, dont un avocat parisien et un facteur corrompu. Le collectif œuvrait depuis quatre ans.

Des millions d'euros détournés grâce à une technique de faux retours indétectables

Le système « Zulon », comme nous l'apprend Le Parisien, s'appuyait sur une faille majeure, celle des politiques de remboursement immédiat, adoptées par les grandes plateformes commerciales pour améliorer l'expérience client. Avec la complicité de facteurs corrompus, le réseau faisait scanner des codes-barres de faux retours via les téléphones Factéo de La Poste, pour déclencher automatiquement des remboursements sans qu'aucun colis ne soit jamais renvoyé.

Les clients du réseau pouvaient ainsi conserver gratuitement leurs commandes, ou les revendre sur des plateformes comme Leboncoin ou Vinted. Selon l'enquête menée par la police judiciaire de Versailles, certains utilisateurs auraient généré plus de 400 faux retours, avec parfois des produits luxueux, comme des vêtements haut de gamme ou même des smartphones.

Pour brouiller les pistes, les sommes détournées transitaient par des comptes tiers à l'étranger, avant d'être blanchies ou converties en cryptomonnaies. L'organisation, assez méthodique il faut le reconnaître, a permis au réseau d'opérer pendant près de quatre ans avant son démantèlement, touchant de nombreuses enseignes dont Leroy Merlin et Chronopost.

Des profils inattendus et des justifications douteuses

Au cœur de cette organisation, les enquêteurs ont identifié un certain Hugo S., un Français d'une vingtaine d'années décrit comme un génie de l'informatique souffrant de troubles psychiatriques. Installé à Dubaï, il a été interpellé le 11 janvier lors d'un court séjour en France pour raisons familiales. Autant dire qu'il a bien fait de rentrer. Après sa mise en examen et son incarcération, il a depuis été hospitalisé d'office en psychiatrie.

L'enquête a aussi révélé la participation surprenante d'un avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit des affaires. Ce trentenaire aurait non seulement bénéficié personnellement du système pour plus de 140 000 euros de commandes frauduleuses, mais il aurait également supervisé les opérations pour la clientèle de « Zulon ». En raison de son rôle central, la justice a requis son incarcération, une mesure rare pour un avocat.

Le fondateur justifiait, lui, ses activités par une idéologie anticapitaliste, prétendant défendre les consommateurs face aux grandes enseignes. Selon lui, les sommes détournées seraient couvertes par les assurances des entreprises, elles-mêmes financées par les frais imposés aux consommateurs sur leurs transactions. Une explication qualifiée de façade par les enquêteurs, qui décrivent « Zulon » non comme « une œuvre philanthropique », mais comme un système d'enrichissement personnel sophistiqué.