Les mesures recommandées à l'échelle européenne pour lutter contre le piratage sont-elles efficaces ? Pas vraiment… à en croire un nouveau rapport qui s'est penché sur la question 17 mois après l'adoption par la Commission européenne d'une recommandation visant à lutter contre le streaming pirate.

Le phénomène des IPTV illicites, impossible à endiguer ? © Kirayonak Yuliya / Shutterstock
Le phénomène des IPTV illicites, impossible à endiguer ? © Kirayonak Yuliya / Shutterstock

En mai 2023, la Commission européenne publiait une recommandation visant à accélérer la suppression des flux illégaux de retransmissions en direct. Dix-sept mois plus tard, un rapport accablant du cabinet Grant Thornton, en partenariat avec la Live Content Coalition, met en évidence son impact limité. Sur 10,8 millions de demandes de retrait envoyées en 2024, seulement 19 % ont abouti à une suspension du flux piraté avant la fin de la diffusion.

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Une lutte toujours aussi peu efficace

Le streaming pirate des compétitions sportives n'aura jamais fait couler autant d'encres que ces derniers mois. Alors que la pression ne fait que monter dans plusieurs pays européens, notamment en France où la dernière initiative en date a consisté à assigner les fournisseurs VPN en justice, un récent rapport vient ajouter de l'huile sur le feu.

Publié par le cabinet Grant Thornton, ce rapport met en évidence le manque d’efficacité des mesures actuelles pour lutter contre le piratage des événements en direct. Il s'est notamment penché sur les effets de la recommandation de l’UE, qui n'a eu qu'un impact marginal sur les retraits effectifs de flux illicites.

Comme indiqué plus haut, le rapport nous apprend que 81 % de demandes de retrait en 2024 n'ont pas mené à la suppression du contenu illicite sur un total de près de 11 millions de demandes. Les fournisseurs de serveurs dédiés (DSP) sont ceux qui respectent le moins ces demandes, seuls 11 % des avis de retrait aboutissent à une suppression. La lutte est en revanche beaucoup plus efficace sur les plateformes en ligne et réseaux sociaux, comme YouTube et Facebook, avec 98 % des demandes honorées. Ce contraste alimente évidemment les frustrations du côté des ayants droit, alors que le "phénomène" IPTV continue de prospérer.

Si la Commission européenne espérait que sa recommandation pousserait les acteurs du numérique à agir plus rapidement, le rapport montre également que les délais de réaction restent largement insuffisants.

Seuls 2,7 % des flux signalés ont été supprimés dans les 30 minutes suivant la demande de retrait, ce délai est pourtant décisif dans le cadre d'évènements en direct. Parmi les flux coupés, 20 % d'entre eux l'ont été plus de 120 minutes après la demande, rendant la mesure inefficace une fois l'événement terminé. Les ayants droit avaient prévenu que les suspensions tardives n’ont aucun effet dissuasif, les chiffres du rapport leur donnent raison.

Une coopération insuffisante et des accords encore trop rares

Le rapport met surtout en évidence le rôle central des fournisseurs de serveurs dédiés (DSP) dans la persistance du piratage. 52 % des demandes de retrait ont été envoyées aux DSP, faisant d’eux les principaux hébergeurs des flux pirates. Comme déjà mentionné, seulement 11 % de ces demandes ont abouti à une suspension.

En outre, près de 40 % des flux supprimés sur des DSP réapparaissent dans la journée, ce chiffre chute à seulement 7,6 % sur les plateformes en ligne et confirment que les plateformes traditionnelles (réseaux sociaux, YouTube, Twitch, etc.) coopèrent bien mieux avec les ayants droit, tandis que les DSP restent le maillon faible de la lutte contre le piratage.

Voici ce que deviennent les demandes de retraits en fonction des intermédiaires © Grant Thornton

Le rapport pointe également le manque d'accords de coopération entre les ayants droit et les intermédiaires, un élément pourtant clé pour améliorer la lutte contre le piratage. Parmi les chiffres marquant, on apprend que 86 % des demandes de retrait envoyées aux plateformes en ligne étaient couvertes par un accord de coopération, aboutissant à une suspension dans 84 % des cas. À l’inverse, seulement 1 % des demandes adressées aux DSP faisaient partie d’un accord, avec un taux d’efficacité de 11 % seulement. 26 % des intermédiaires ont ignoré toutes les demandes de retrait, et 60 % de ces refus provenaient des DSP.
Autre signal d’alarme : le statut de "Trusted Flagger", un statut accordé à des organisations reconnues comme expertes dans la détection et le signalement de contenus illégaux ou nuisibles en ligne, créé par le Digital Services Act (DSA), n’a toujours pas été accordé à un seul organisateur d’événements ou diffuseur.

L'Europe ne parvient pas à faire bouger les lignes

Malgré une prise de conscience des institutions européennes, les mesures mises en place restent trop faibles pour enrayer le phénomène. "L’impact de la recommandation européenne reste très limité, avec peu ou pas d’amélioration des principaux indicateurs de performance tout au long de 2024", indique le rapport de Grant Thornton.

Les ayants droit, notamment La LIGA et la Live Content Coalition, réclament une régulation plus stricte et des sanctions à l’encontre des intermédiaires les moins coopératifs, en particulier les DSP. "Le rapport souligne la nécessité de renforcer les accords de coopération et d’accélérer les délais de suppression des contenus illicites. Il met également en évidence l’importance de mesures spécifiques pour les DSP, qui représentent la principale source de diffusions illégales non suspendues", commente LALIGA.

Alors que le piratage des événements en direct continue d’affecter les revenus des diffuseurs et des organisateurs, la question d’un renforcement des obligations légales se pose de plus en plus.

La troisième édition du rapport Grant Thornton est attendue pour le troisième trimestre 2025, et devrait permettre de mesurer l’évolution de la situation après plus de deux ans d’application de la recommandation européenne.

D’ici là, les ayants droit continueront à faire pression pour une action plus ferme de la part des institutions…

Source : Rapport Grant Thornton via Torrent Freak