Avec cinq robots actifs dont une plateforme, trois rovers et un petit hélicoptère en activité, il n'est pas toujours facile de rester au fait de l'actualité martienne ! 2021 nous offre pourtant un véritable florilège technologique sur la planète rouge.
Et on espère que ça va durer le plus longtemps possible !
Curiosity, le doyen face au canyon
Alors qu'il approche les neuf ans à la surface de la planète rouge, Curiosity (NASA) poursuit son périple dans le cratère Gale, sur les flancs du Mont Sharp… Ou du moins, aux contreforts de ce géant martien. Après un début d'année marqué par un joli trajet vers l'Est et une nouvelle zone géologique que les scientifiques espèrent riche en sulfates, le rover a passé plusieurs mois au pied et sur une petite falaise nommée « Mont Mercou » (6 à 7 m de haut), autour de laquelle il a pu forer plusieurs fois pour comparer les différents échantillons et identifier les matériaux qui constituent le sol de ces contreforts du Mont Sharp.
Le paysage était déjà impressionnant, mais Curiosity va continuer à gagner de l'altitude. Il contourne actuellement une spectaculaire petite montagne (baptisée Rafael Navarro, en l'honneur d'un scientifique de l'équipe décédé de la COVID) qui garde l'entrée d'un vrai canyon entre des parois trop abruptes pour être explorées par le vieillissant robot. Curiosity va donc prendre une route plus dégagée.
Ces derniers jours, le rover explore une zone très sableuse, constellée de roches passionnantes pour les géologues, qui se réjouissent de trouver des environnements différents au fur et à mesure que Curiosity progresse à flanc de coteaux. Mais s'il a encore un très bon potentiel, le poids des années commence à lui peser sur les épaules. Récemment, il y a eu quelques soucis pour refermer le cache de l'instrument MAHLI, puis des problèmes avec le mat principal d'observation (au sein duquel l'optique de l'instrument CHEMCAM « zappe » les roches avec son laser).
Rien qui n'empêche toutefois les équipes au sol d'essayer de tirer le maximum de mesures scientifiques lorsqu'ils lui programment ses mouvements, une fois toutes les 48 heures. Et ces dernières ne concernent pas que le sol : ChemCam a enregistré quelques données pour mesurer la composition atmosphérique, afin que les résultats soient comparés avec ceux obtenus depuis l'orbite, par l'orbiteur européen ExoMars TGO. Une équipe a peut-être résolu le « problème » de la détection de méthane, en pointant des dégagements minéraux durant la nuit, qui s'évaporent en journée.
InSight, petite victoire sur la poussière
La prolongation de la mission InSight (NASA) jusqu'à décembre 2022, et les résultats, d'une précision exceptionnelle, capturés par le sismomètre SEIS sur la surface d'Elysium Planitia, cachent une réalité difficile. En effet, depuis le premier jour de mission et le déploiement des deux panneaux solaires sur Mars, InSight est engagé dans une course contre la montre… Ou plutôt, contre la poussière. Plus cette dernière s'accumule sur les panneaux, moins la plateforme reçoit d'énergie.
Pas besoin de pointer le besoin (supposé) de nettoyer les panneaux avec un dispositif mécanique : il n'y avait pas la place, ni la masse disponible pour cette mission, et elle a déjà dépassé sa durée nominale (une année martienne, soit deux ans terrestres). Donc pas de regrets… Mais ça n'empêche pas de penser à des moyens d'enlever cette satané poussière !
La solution la plus simple est naturelle : espérer qu'un petit tourbillon (les fameux « Dust Devils ») vienne frôler InSight. C'était arrivé avec Opportunity en son temps... Hélas, ce n'est pour le moment pas le cas ici. Aussi, l'équipe de la mission a trouvé une autre manière de procéder.
Il se trouve qu'actuellement, le bras robotisé de la mission a servi à « pelleter » du sable martien sur le câble qui relie l'instrument SEIS. De cette opération, a jailli une drôle d'idée : si du sable est doucement projeté vers les panneaux lorsqu'il y a du vent, les particules fines posées sur les cellules solaires pourraient s'accrocher aux grains plus gros et tomber au sol.
Le plus fou… C'est que ça a fonctionné ! Les instruments auraient dû être éteints tout cet été (Mars est à l'apogée de son orbite autour du Soleil, c'est le moment de son cycle où les panneaux solaires sont les moins efficaces) pour économiser de l'énergie. Finalement ce ne sera que pour le mois d'août ! Cela représente autant de jours de mesure supplémentaires pour écouter les « marsquakes » et engranger des données scientifiques. Il n'empêche que le futur de la mission reste menacé dès 2022.
Perseverance, cap au Sud pour la science
Son atterrissage le 18 février dernier sur la surface du cratère Jezero paraît déjà lointain, mais le plus imposant et le plus lourd des rovers de la NASA sur Mars était resté jusque là dans le voisinage de son site de départ, baptisé Octavia E. Butler. C'est là qu'il a déposé Ingenuity, réalisé ses tests de roulage, ses articulations et ses expériences scientifiques.
Mais depuis le 1er juin, place à la campagne scientifique ! La mission de Perseverance est avant tout de collecter des échantillons sur des sites d'intérêt majeurs. Ces derniers sont définis grâce aux clichés pris depuis le satellite MRO ainsi que les retours des équipes scientifiques qui se relaient pour guider le grand robot. Surtout, il faut bien choisir : les petits « bouts de Mars » collectés via le système de forage seront scellés dans des tubes d'échantillons et déposés sur des sites de collecte, où ils devraient être récupérés dans une mission future.
Perseverance est presque arrivé à « Séitah Nord », son premier site. Séitah, c'est du Navajo, et cela signifie « parmi les sables ». Il y a quelques milliards d'années, la zone était recouverte par plus d'une centaine de mètres d'eau. Aujourd'hui, il reste un sol pierreux, émaillé de quelques roches sédimentaires et surtout, des dunes de sable. Le rover de la NASA devrait y forer de quoi remplir un, ou peut-être deux tubes d'échantillons dans les semaines à venir. Un grand moment pour la mission !
Il reste au moins deux autres sites dans la région avec un fort intérêt pour cette ex-zone immergée : Séitah Sud, et le CF-FR, baptisé sans trop d'originalité « Sol Craquelé et Fortement Fracturé » (Crater Floor - Fractured Rough). Selon les opportunités et les mesures (optiques, laser, etc.) qu'il pourra effectuer sur ces zones, Perseverance devrait reprendre sa route au Nord et recroiser sa zone d'atterrissage dans quelques mois avec entre six et huit tubes d'échantillons pleins de sédiments martiens. Il entamera ensuite sa longue route (définitive) vers l'Ouest, vers l'ancien delta du cratère Jezero, qui a de meilleures chances, selon les équipes scientifiques, de contenir les éventuelles traces d'anciennes formes de vie.
Ingenuity n'a pas fini de nous étonner !
Le premier objectif du petit hélicoptère birotor sur la planète Mars était de proposer une démonstration technologique. Et pour cause : avec un bon logiciel de contrôle et un matériel fiable, il est possible de faire voler un petit appareil au-dessus du sol de la planète rouge ! Après un premier vol historique le 19 avril dernier, les aventures dans les airs se sont allongées, et les équipes du JPL osent à présent lui prévoir des trajets de plus de 150 mètres, à dix mètres d'altitude. Si ça n'a pas une valeur scientifique absolument folle, c'est parce qu'une fois de plus, ce n'est pas pour ça qu'Ingenuity a été conçu…
Reste que c'est un plus, de pouvoir naviguer non loin de Perseverance en prenant un peu d'avance sur le rover, et en faisant travailler les ingénieurs et chercheurs pour résoudre un maximum de problèmes liés au vol. Car après huit passages dans les airs et presque 1 km parcouru, il y a eu des corrections à faire. Lors du vol n°6, Ingenuity est passé près du crash, à cause d'une instabilité liée à un mauvais index de… prise d'images. C'est le propre des erreurs logicielles, si elles peuvent être corrigées, elles apparaissent parfois de la manière la plus inattendue.
En attendant pour l'hélicoptère, c'est comme pour Perseverance : cap au Sud non loin des sables de Séitah, aussi longtemps que possible, histoire d'engranger un maximum de données.
Zhurong, après la fête, le périple commence
Le nouveau rover chinois s'est un peu fait oublier. Six semaines après son atterrissage impeccable sur Oxia Planum, dans un paysage plat (ou presque) à perte de vue, sa mission se poursuit pourtant avec succès. Il faut dire que la communication de l'agence chinoise est particulière, avec de longues périodes de silence, puis la mise à disposition via les réseaux sociaux d'une vague d'images et de vidéos, toutes plus impressionnantes les unes que les autres (comme ce vaste panorama). Alors que la mission Tianwen-1 fêtera le 23 juillet le premier anniversaire de son départ de la Terre, Zhurong a déjà roulé 241 mètres depuis qu'il est descendu de sa plateforme.
Une petite partie de ce trajet s'est d'ailleurs passée près d'elle, puisque le rover en a profité pour déposer une petite caméra déportée qui l'a filmé en lui transmettant les images (ahurissantes, bien qu'uniquement tournées pour la communication).
Et depuis ? Cap au Sud pour Zhurong aussi. Sur les photographies les plus récentes, l'atterrisseur n'est plus qu'un détail dans un paysage un peu monotone.
Le véhicule chinois, qui n'est pas si mal équipé pour la science, devrait profiter de bonnes capacités de déplacement pour se rendre vers des sites plus intéressants mais plus lointains, en prenant des mesures sur son chemin (spectrométrie, topographie, étude du climat, et même du sous-sol grâce à son radar). Après tout, malgré un nombre grandissant de missions, cette région n'a jamais été explorée au sol...