Jean-Ludovic Silicani invitait la presse ce jeudi dans les locaux de l'Arcep afin d'évoquer en détails plusieurs problématiques touchant les Télécoms ces dernières semaines. Globalement, le président de l'Arcep qualifie l'année précédente de « décoiffante » et rappelle quelles sont ses ambitions. « On se fixe un cap et on essaie de s'y tenir pour sécuriser le marché. Notre objectif est de créer un marché suffisamment concurrentiel, d'encourager l'innovation et par là même l'emploi incidemment crée », précise-t-il.
« L'animation concurrentielle, les investissements et l'emploi sont restés à un niveau élevé mais c'est un secteur qui reste solide. Beaucoup de pronostics ont été déjoués ». Le responsable présente donc un bilan 2012 pour le secteur plutôt encourageant. Il note ainsi que « les Télécoms sont loin d'être un secteur sinistré. Le chiffre d'affaires du secteur est resté stable, à 41 milliards d'euros ». Concernant l'emploi, « nous disposons de chiffres provisoires chez les opérateurs (hors sous-traitants) et nous notons une stabilité. Par contre, pour les emplois indirects, la situation est plus difficile à évaluer mais la filière nous indique que la croissance du chiffre d'affaires global a été de 4% l'an dernier. Enfin, pour les équipementiers, la situation de certains est difficile mais il ne serait pas juste de mettre sur le dos du quatrième opérateur la situation d'Alcatel-Lucent ».
Pourtant, le régulateur avait estimé que l'arrivée de Free Mobile sur le marché aurait pu causer la perte d'entre « 5 et 10 000 emplois ». « Nous avons été pessimistes » avoue Jean-Ludovic Silicani, considérant alors que l'ensemble de la concurrence a bien réagi aux évolutions du marché.
Toutefois, l'attitude de l'Arcep reste contestée. Plusieurs dossiers chauds figurent en effet sur la table du régulateur au premier desquels se trouvent les conséquences de l'octroi du droit à Bouygues Télécom de réutiliser certaines de ses fréquences. L'autorité a récemment autorisé l'opérateur à réutiliser ses fréquences 2G pour augmenter ses capacités en matière de 4G. L'opérateur avait formulé cette demande en juillet dernier et pourra commencer à modifier son utilisation de cette plage de fréquences à compter du 1er octobre prochain.De leurs côté, Orange et SFR n'ont pour l'instant pas formulé une telle demande.
Un droit qui fait grincer des dents. Le syndicat CFE-CGC Unsa a ainsi décidé d'attaquer devant le Conseil d'Etat la décision du régulateur, estimant que cette dernière ne prenait pas suffisamment en compte le volet social. Jean-Ludovic Silicani, tient là à préciser que « le document technique livre 20 pages d'analyse d'impact sur tous les points clés comme l'investissement et l'emploi et sur les différents cas de figure qu'entraine cette réallocation des bandes de fréquences ».
Vers une autorité n'émettant que des avis consultatifs ?
Autre point chaud, un rapport prêté à Bercy la semaine dernière indiquait que le ministère comptait préciser sa volonté en matière d'attribution des pouvoirs à l'Arcep. Prenant comme exemple l'attribution des fréquences mobiles, Bercy préconisait de « conférer au gouvernement un réel pouvoir d'initiative », laissant alors au régulateur la capacité de seulement émettre des avis consultatifs.
Le président de l'Arcep conteste : « j'ai reçu un coup de fil du Premier ministre expliquant que ce rapport ne traduisait en rien sa pensée. Il s'agit donc d'un document de travail préparatoire et je dois rencontrer Jean-Marc Ayrault jeudi, mais le rapport sera différent de celui qui a été présenté dans la presse ».
Les dossiers en cours : Skype, les ralentissements Free/YouTube
Mardi dernier, l'institution est revenue à la charge à l'encontre de Skype. L'Arcep considère en effet que le service de VoIP, désormais propriété de Microsoft depuis 2011 doit se déclarer en tant qu'opérateur. En conséquence, il doit également respecter l'ensemble des obligations qui incombent déjà à la concurrence.
« C'est d'une banalité affligeante », commente J.L Silicani. « Par contre, ne pas déclarer comme opérateur représente en France un délit et Skype ne s'est toujours pas plié à ses obligations. Mais malgré nos multiples démarches, il ne respecte pas la loi », ajoute le représentant. L'Arcep indique travailler sur ce cas de figure depuis 2007, date à laquelle les premières démarches administratives ont été effectuées. « Mais il faut comprendre que nous nous intéressons de plus en plus aux intermédiaires qui peuvent être déclarés comme des opérateurs officiels ».
Enfin, concernant l'enquête administrative diligentée au sujet desproblèmes d'interconnexion entre Free et YouTube, Jacques Stern, membre du collège précise « les deux parties sont prêtes à transmettre leurs informations ». L'Arcep entend donc collecter nombre d'informations sur leurs pratiques de gestion de leurs tuyaux mais si des anomalies sont rencontrées, l'organisme en tirera les conclusions nécessaires.
Mais le régulateur tient à rester ferme : « nous ne chouchoutons, ni ne persécutons pas Free ». La procédure poursuit donc son cours et elle « permet de mieux comprendre la complexité des relations entre Free et YouTube sur le peering gratuit ou non, l'architecture de l'interconnexion », précise l'autorité. Autant de données qui devraient figurer dans son rapport final.